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Date de création : 05.05.2010
Dernière mise à jour : 27.07.2024
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L'argent et le travail

Publié le 09/05/2010 à 01:47 par boumeshouli

«Triste condition de l’homme, et qui dégoute de la vie ! Il faut suer, veiller, fléchir, dépendre, pour un peu de fortune.» La Bruyère, Les Caractères. Dans quelle mesure cette citation éclaire-t-elle votre lecture des œuvres au programme ?

 

La condition humaine n’a pas manqué de susciter nombreuses considérations philosophiques, révélant les contraintes de l’homme, soumis à la dure loi d’endurer les pires épreuves, pour pouvoir répondre aux besoins, ou encore aux rêves les plus exquis. La Bruyère semble, lui aussi, ému par cette situation, lorsqu’il note, dans Les Caractères, non sans amertume: « Triste condition de l’homme, et qui dégoute de la vie ! Il faut suer, veiller, fléchir, dépendre, pour un peu de fortune». L’aspiration à la fortune, aussi minime soit-elle, nécessite un dur travail, traduit par une série de verbes, s’y afférant, ou l’héritage dans le cadre de la transmission. Cette nécessité est d’autant plus éprouvante, qu’elle est triste, et provoque le dégoût. Autant dire qu’elle fausse même le principe de la vie heureuse, car elle impose, en même temps, l’effort éprouvant et épuisant, et la posture du prédateur, qui attend la mort d’un proche, pour le dépouiller. Cependant, l’emploi de l’expression condition de l’homme, souligne qu’une telle situation est exclusivement humaine. Elle est l’un des fondements de la vie en société. Si donc, l’on peut concéder volontiers, à La Bruyère, qu’elle implique la souffrance de l’homme, n’est-elle pas, en revanche, le principe même de la vie, en société, qui départage la condition humaine et celle de l’animal ? En se référant à L’Avare de Molière, L’Argent de Zola et Philosophie de l’argent, (première partie, chapitre 3, section 1et 2) de Simmel, on analysera d’abord la condition humaine, nécessitant le travail pour survire, voire même bien vivre ; ensuite on verra que l’argent, découlant du travail, est une caractéristique de la société civilisée ; avant de considérer, enfin, que l’on travail pour des fins autres que survivre.

Si l’on est obliger de travailler, c’est parce que gagner l’argent est un moyen qui permet d’abord de bien vivre, avant de se concevoir comme fin pour soi.

Le travail est la condition essentielle, pour que l’homme puisse survivre, et en plus réaliser ses désirs superflus. Une telle condition est soulignée par Simmel, qui note que est un animal: « fabricant des outils », car il s’agit également d’un animal, qui « s’assigne des fin ». Puisque l’argent est le moyen absolu, permettant l’accès à tous les biens, il n’est pas surprenant qu’il devienne l’objet du travail, qui permet de le transformer travail à des satisfactions. Gagner l’argent est une motivation suffisante pour s’adonner à des travaux répugnants, comme c’est le cas de Frosine, dans L’Avare, qui exerce le métier d’entremetteuse : « aux personnes comme moi le ciel n’a donné d’autres sources que

 

 

l’intrigue et que l’industrie ». En même temps, le travail peut cesser, une le but atteint. C’est le cas de Mr Maugendre, dans L’Argent de Zola, qui cesse ses activités, dès lors qu’une fortune a été amassée.

En plus, l’argent excède largement le cadre de la satisfaction immédiate des nécessités, pour devenir une fin en soi, tant il est vrai qu’il est perçu souvent, comme la clef de toutes les choses. Gundermann, dans L’Argent de Zola, est un travailleur infatigable, et d’une patience légendaire. Son travail ne vise que l’empilement de l’argent. Il est l’exemple parfait de la condition malheureuse, déplorée par La Bruyère : « devenu comme abstrait dans sa vieillesse souffreteuse (…) édifier obstinément sa tour de millions, avec l’unique rêve de la léguer aux siens pour qu’ils la grandissent encore » Simmel, de sa part, met en évidence cette dimension, qui annule l’effet du travail, en transformant le revenu en une fin en soi, ce qui accentue la condition malheureuse de l’homme. Pour lui, l’argent est une « finalité qui absorbe entièrement la conscience pratique ». Dans L’Avare de Molière, Harpagon, qui s’adonne au travail de l’usure, et la vente d’objets anciens, n’a d’autres buts que l’argent en soi « la chose la plus précieuse ».   

           Travailler est donc nécessaire, soit pour survivre convenablement, soit pour jouir de la simple possession de la richesse. Mais le travail et l’argent sont également nécessaires pour la mise en œuvre de toute société civilisée, car ils permettent de structurer et de créer.

           Le travail et l’argent sont un principe, qui sert à structurer la société, tant il est vrai que le mérite social est tributaire de ses deux éléments. C’est pourquoi Harpagon se déchaîne contre son fils Cléante, qui est disposé à dilapider l’argent, c'est-à-dire la garantie sûre dans la société : « N’as-tu point honte...de faire une honteuse dissipation du bien que tes parents ont amassés avec tant de sueurs ? ». Simmel distingue entre le donateur de l’argent et le vendeur, tout en précisant que c’est grâce à l’argent que l’homme bénéficie d’un statut plus intéressant, sous formes de superadditum. Dans L’Argent de Zola, toute l’humanité qui entoure Saccard ou Gundermann ne désire rien d’autre que d’avoir le privilège d’occuper une place, proche des foyers des véritables pouvoirs, c’est-à-dire les seigneurs de l’argent.

Par ailleurs, les deux éléments sont un principe civilisateur incontournable. Pour Simmel, l’argent est « une institution, dans laquelle l’individu verse son action et son avoir, pour atteindre par ce point de passage des objectifs, qui resteraient inaccessibles à un effort directement dirigé vers eux», c’est-à-dire que le travail seul, l’action et l’effort, n’ont aucune signification en dehors de l’argent. Zola note, par l’intermédiaire de Mme Caroline, en train de considérer Saccard, que : « L’argent, aidant la science faisait du progrès.» Là aussi, le travail, qui prend la forme de la science, est activé en concomitance avec l’argent à des fins civilisatrices.

 

 

Le travail et l’argent sont ainsi deux principes civilisateurs et structurants, au niveau collectif. Aussi le travail est-il un moyen, qui donne à l’individu l’occasion de transcender sa condition misérable, par l’autoréalisation et l’intégration.

  Si l’on travaille ce n’est pas uniquement en vue d’avoir l’argent, ou pour subir la douloureuse condition dont parle La Bruyère. C’est ainsi que Saccard, dans L’Argent, est exalté, en travaillant dans l’Œuvre du Travail. Ce « poète du million» n’attend aucun dédommagement de son labeur, que de répandre le bonheur autour de lui. Valère qui s’adonne, dans L’Avare de Molière, à un travail dur et combien humiliant, chez le grippe-sous, n’a d’autre but que d’accéder au bonheur, à côté de son amante Elise. Pour ce faire, il souffre les affres du vieil avare.

Le travail est également le moyen qui permet de se réaliser, car la société l’exige. Pour Simmel, l’activité professionnelle joue un rôle central dans la définition de l’identité sociale : « les gens dispersés, ayant à pénétrer dans des milieux culturels, plus ou moins fermés, ont du mal à s’enraciner, et sont donc renvoyés d’abord au commerce intermédiaire.» C’est dire la nécessité d’avoir un travail pour trouver une place, en dehors des considérations purement matérielles. L’œuvre de la Princesse d’Orviedo, dans L’Argent de Zola, ne s’inscrit nullement dans une visée utilitaire, mais elle est l’accomplissement sublime d’un devoir, non rémunéré, et qui fait accéder ce personnage au rang de «divinité invisible».

Au terme de cette analyse, force est de noter que, conformément au propos de La Bruyère dans Les Caractères, le travail, aussi dur soit-il, n’engendre la douleur humaine qu’en partie. En effet, s’il impose d’endurer le travail afin de survivre, il n’en demeure pas moins que, lié à l’argent, il structure et permet la création et le progrès. Aussi, est-il essentiel pour que l’individu puisse dépasser sa condition, et réaliser des œuvres, permettant de s’intégrer et de se réaliser. Dès lors s’impose la question de savoir si l’homme pourrait éviter de sombrer dans l’obscurité la plus terrible, s’il n’est plus mû par le travail, et l’aspiration à la vie heureuse, via l’argent.

Brahim B.